Le fait de pouvoir enchaîner des vers de Gertrud Stein, Arthur Rimbaud ou Walt Wittman ne fait pas de moi un poète.
De même, le fait d’enchaîner des licks, ces phrases musicales collectées au fil du temps chez d’autres musiciens(nes) ne fait pas de moi un improvisateur.
Utiliser une série de licks n’est pas improviser, c’est du copier/coller.
Cependant, il ne faut pas négliger l’intérêt lorsque l’on désire aborder l’improvisation d’étudier le phrasé des gens plus expérimentés.
Nombreux sont les bénéfices à retirer de cette pratique tant au niveau de la métrique que de l’articulation.
Le piège à éviter serait toutefois de se contenter de ces fragments pour construire un discours improvisé.
En effet, toute phrase musicale est constituée d’une succession d’éléments de base (sons, intervalles, accords, silences) agencés rythmiquement selon le goût de son créateur en fonction du contexte.
L’étude approfondie de ces parties élémentaires pouvant être utilisées pour développer une improvisation ou une composition permet de s’affranchir du recours systématique aux licks et ainsi de proposer quelque-chose de plus personnel.
Idéalement, un improvisateur va réaliser sur son instrument une idée musicale qui lui est venue à l’esprit de la même façon que nous pouvons parler dans notre langue maternelle sans avoir à analyser au préalable la construction de nos phrases.
Connaitre par coeur des formules de langage ne nous permet pas d’exposer avec précision et fluidité nos idées. Il en est de même en musique !
- S’entraîner à reconnaitre à l’oreille tel intervalle, tel type d’accord etc… et étudier sur l’instrument les multiples possibilités de le réaliser est une approche qu’il convient de prendre en considération.
- S’entrainer à chanter une phrase sur un support harmonique et la reproduire sur l’instrument est une autre façon de s’acheminer vers une plus grande liberté.
Il s’agit de réduire peu à peu le temps nécessaire entre la conception mentale d’une idée et sa réalisation sur l’instrument.
À la longue, ce délai est si court, que vous pouvez jouer spontanément ce qui vous vient en tête.
Évidemment, de bonnes connaissances en harmonie vous permettront d’analyser théoriquement le contexte et ainsi de mieux comprendre la construction d’un morceau pour sélectionner le matériel mélodique à lui appliquer.
Un autre problème de l’usage des licks sur un instrument comme la guitare provient du fait qu’il existe en général de nombreuses solutions sur le manche pour jouer les mêmes notes.
Mémoriser une phrase à partir d’une tablature par exemple, revient souvent à se priver des multiples voies disponibles pour jouer la même chose. On devient prisonnier d’un geste technique.
Il est toujours possible d’étudier toutes les possibilités qui se présentent, mais outre le temps nécessaire et le fait que cela encombrera considérablement votre mémoire, vous en serez toujours à répéter le propos musical d’un(e) autre. S’il s’agit d’un clin d’oeil en forme dommage à un musicien que l’on apprécie, c’est amusant. Si c’est systématique, l’intérêt est assez limité.
En conclusion je dirais que si l’usage de licks n’est pas à proscrire, votre autonomie en matière d’improvisation ne pourra venir qu’avec une étude patiente du langage musical tout en privilégiant l’écoute.
Bon travail.